TOUR D’HORIZON D’ALTERNATIVES POUR DES PROJETS LEADER INNOVANTS- 2

Dans un premier article publié en décembre 2023 nous avons présenté des alternatives techniques innovantes permettant l’usage passif de l’énergie solaire comme système de cuisson professionnelle (alimentaire et non alimentaire). Nous souhaitons aujourd’hui présenter des alternatives concernant l’eau permettant à la fois des économies en amont et une revalorisation. Le GAL Des Cévennes au Rhône a pour objet, à travers le programme LEADER 2023-2027, de soutenir financièrement des projets de création ou de développement privés ou publics. Le GAL souhaite participer à un développement économique durable intégrant une gestion cohérente des ressources locales. Nous présentons ici des alternatives innovantes en lien avec l’eau qui pourraient être reprises pas des communes, des professionnels du tourisme ou toutes entreprises du service ou de l’artisanat.

1- Économiser et préserver l’eau : les toilettes sèches

L’eau utilisée pour les sanitaires (toilettes) représente 20% de la consommation quotidienne d’un français. Il apparait donc opportun de se pencher sur la question de ces toilettes abandonnées et maintenant revisitées que sont les toilettes sèches. Tout comme pour le solaire, où les initiatives privées se voient maintenant adaptées à des usages professionnels, les alternatives domestiques proposées jusqu’alors par des convaincus se développent à plus grandes échelles. Il existe plusieurs types de toilettes sèches :

• Les toilettes sèches à litière, dans lesquelles est ajoutée à chaque passage de la sciure de bois ou tout autre matière sèche. Le compartiment, une fois plein, est vidé et le contenu mis à composter. Ce modèle est adapté aux évènements ponctuels (festivals) et aux lieux collectifs ayant un accès à l’extérieur : camping, jardins partagés… Ce type de toilettes peut tout aussi bien être placé en intérieur ou en extérieur. Autoconstruits, ils peuvent également être achetés. Plusieurs entreprises proposent des gammes de différentes finitions et des versions adaptées aux évènements et adaptées aux personnes en fauteuil roulant.

Toilettes sèches jardins partagés de Quissac

• Les toilettes sèches avec séparateur. L’urine et les matières fécales sont séparées et il n’y a pas d’ajout de matières sèches. Si l’usage des toilettes à litières se généralisait, ce ne serait plus l’eau mais l’accès à de la sciure qui poserait problème d’où leur intérêt. Les urines sont soit envoyées dans le réseau des eaux usées ou dans un système d’épuration commune une phytoépuration, soit récupérées pour valorisation. Les matières fécales sont acheminées dans un réservoir, par un système à pédale ou un moteur, où se produit un compostage. Le temps de stockage est variable selon la fréquence d’utilisation et la capacité du réservoir. Un système de ventilation est associé. Le réservoir peut être placé en sous-sol ou en extérieur de l’autre côté du mur. Selon le modèle, la vidange ne se fait qu’au bout de plusieurs années (par le gérant ou une entreprise spécialisée). Le contenu peut ensuite être utilisé comme compost (usage ornemental). Ces systèmes sont aussi bien adaptés à un usage fixe qu’à des évènements. Plusieurs entreprises proposent de la vente ou de la location. Dans le même principe des urinoirs permettant la valorisation des urines peuvent être installés.
  
  

  Toilette Ecomodeo

Concernant le compostage, une aire adaptée doit être aménagée pour éviter toute pollution dû à un ruissellement (pluie). En respect de cette directive, les toilettes sèches sont autorisées par la réglementation.

Plusieurs structures l’ont testé, en voici quelques exemples : Le Camping Domaine de Briange en Ardèche à Remèze : 80 emplacements, mobilhome, ecologde, roulottes, cabanes, 12 ha – 26 toilettes sèches à litière installées depuis 2019 dans les parties communes mais aussi au sein des mobilhomes ; Le parc écoresponsable Parfum d’aventure à Anduze en Cévennes : labellisé Esprit parc et adhérent à Cévennes Écotourisme, l’installation de plusieurs toilettes à séparation en extérieur a permis outre les économies d’eau, l’économie de réparation des chasses d’eau, et de nourrir les échanges avec les visiteurs qui sont tout à fait satisfaits ; L’Hôtel de Verdun à Nevers  ; La fondation Charles Leopold Mayer qui a installé depuis 2015 des toilettes sèches dans ses locaux à Paris ; La ville de Lyon qui a mené une expérimentation de 6 mois en 2022 pour tester des toilettes sèches. L’initiative de Toopi organics, PME implantée en Gironde depuis 2019 qui fabrique un biostimulant à base d’urine, le Lactopi start, pour un usage d’engrais agricole : les urines sont récupérées sur des lieux collectifs via des urinoirs (évènements, sites touristiques, commune comme Toulouse qui s’est dotée d’uritrottoirs) ; outre l’économie d’eau ce système permet une économie d’engrais phosphatés. L’institut Paris Région a mené une étude sur le sujet et présente un article complet intitulé “toilettes fertiles”

Le montant de toilettes sèches est variable selon le modèle. L’investissement peut s’élever de 300 à 500 € pour un modèle d’intérieur en bois et à litière, de 1500 € à 3 500 € pour un modèle à séparation d’intérieur en bois, inox, résine ou céramique, de 1500 à 3000 € pour une cabane bois extérieure toilettes à litière (zone de compostage à réaliser) et de 11 000 à 20 000 € pour un modèle de toilettes publiques sans litière et autonome placées en extérieur. Voici quelques référence d’entreprises pouvant fournir des entreprises ou des collectivités : Alter’toilettes et Icag compagnie pour des cabanes toilettes à litière, Kazuba pour des toilettes sans litière à grande fréquentation, Lovely toilettes pour des modèles avec et sans litière intérieur et extérieur, Sud toilettes sèches pour des modèles avec ou sans litières intérieur ou extérieur et Ecodomeo pour des toilettes d’intérieur à séparation. Le programme LEADER peut participer à ce type d’investissement, en général intégré à un ensemble de dépenses, avec un montant minimal de projet de 7 000€ pour des associations ou des entreprises et de 16 000 € pour une collectivité. Pour les projets privés un cofinancement devra être trouvé. Selon le projet et le type de porteur de projet, la Région, le département du Gard ou le Parc National des Cévennes pourront être sollicités.

Toilettes sèches à séparation Lovely toilette

Une vraie politique portant sur l’eau ne peut être sérieuse si elle n’intègre l’évolution des toilettes. A termes, la généralisation des toilettes sèches permettrait de sérieuses économies en ce qui concerne l’assainissement pour les collectivités. Le prix du mètre cube d’eau ne fait que grimper du fait d’installations de plus en plus coûteuses pour l’assainissement. Les risques de pollutions des milieux aquatiques seraient également plus facilement maîtrisés.

2- Revaloriser l’eau après usage

Les évolutions techniques et l’assouplissement de la réglementation permettent de nouvelles valorisations des eaux usées et donc des économies.

Toujours concernant les sanitaires, se développent des systèmes d’alimentation des toilettes à eau par les eaux usées issues des douches, machines à laver ou lavabos après filtration. Ces systèmes peuvent s’adapter pour des usages professionnels : hébergeurs touristiques ou entreprises (sanitaires collectifs). L’eau des chasses d’eau n’est donc plus de l’eau potable “neuve” mais de l’eau filtrée, qui part ensuite dans l’assainissement classique. Se développent également les douches “circulaires” ou “cycliques” : un système de filtration, traitement et maintien à température est intégré à la douche (visible ou non selon les marques) et permet, après un premier rinçage, une utilisation en circuit fermé durant le temps de la douche. L’eau est ensuite évacuée. Entre une douche classique et une douche cyclique, la consommation d’eau est divisée par 2 ou 3 selon le temps de douche. Pour des entreprises telles que des hébergeurs touristiques ou des entreprises dont les employés se lavent sur place, l’économie est conséquente. A ce jour, trois entreprises proposent ce type d’installation : Ilya à Toulouse, Spareau à Saint-Gély-du-Fesc dans l’Hérault et l’entreprise Grohe. Il faut compter un minimum de 3000 € par douche.

Recyclage eau grise – © E. Godet

Le lavage, tel que le lavage de matières 1ères avant transformation, de machines, de cuves, de locaux, représente également une part importante de consommation d’eau et concerne toutes les entreprises, quel que soit leur activité : artisanat, industrie, services. Jusqu’à présent, ces eaux sont acheminées vers les centrales d’épuration puis rejetées après traitement dans les cours d’eau. Le gouvernement a adopté il y quelques mois le décret REUSE qui permet la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) pour des usages agricoles, industriels ou urbains tels que l’irrigation ou le lavage. En parallèle les solutions technologiques se développent afin de réutiliser ces eaux chargées en détergents, matières organiques, polluants, grâce à l’installation d’unités de traitement interne. Des solutions de filtration, d’osmose inverse, de coagulation, de traitement U.V…, se développent et sont testées par des entreprises de toutes tailles et de toutes activités. Nous vous présentons ici quelques exemples qui pourraient être adaptés à des entreprises locales : Filtrer et réutiliser l’eau de lavage des stations de lavage de voiture : l’eau est ainsi en circuit fermé et de l’eau nouvelle n’est utilisée que dans un pourcentage limité : station de lavage automobile du Grès à Saint Ambroix ; Filtrer l’eau issue des piscines à usage publique pour lesquelles il y a une obligation journalière de renouvellement de l’eau (camping) et de lavage : l’eau peut être épurée et être utilisée pour l’arrosage, l’alimentation des WC ou repartir dans le circuit selon le dispositif installé  : le Camping Le Bosc à Saint Cyprien (66) économise ainsi 20 m3 jour en recyclant l’eau de lavage ; Réutilisation de l’eau de lavage de légumes pour le lavage primaire : la conserverie d’Aucy  a investi dans un osmoseur qui lui permet de réutiliser 30% de l’eau utilisée.

Recyclage eau lavage camion – ID Wash

Pour ce type d’installation, les montants d’investissement sont beaucoup plus importants. Pour une unité de recyclage de station de lavage auto, on peut compter 80 000 € (entreprise Eaukey ; Washtec ; Idwash), 200 000 € pour l’installation de la conserverie D’Aucy. Mais là aussi, en fonction du type de porteur de projet et du projet global, des financements sont possibles (Région ; ADEME,  Agence de l’eau) et le programme LEADER peut, sous conditions d’éligibilité, intervenir en complément.

L’ensemble de ces projets permettent aux entreprises ou collectivités de réaliser des économies financières tout en ayant une gestion quotidienne vertueuse. Nous espérons soutenir ce type d’initiative.